Anne F. Garréta, Ciels liquides, Paris, Grasset, 1990, 180 p.
« D’autres fois, il me devenait impossible d’énoncer en mon idiome primitif le mot qu’appelait mon discours. Je temporisais, cherchant par toute l’étendue de ma langue ce mot que j’espérais, désirais, dont j’entrevoyais les contours, la couleur, sans pour autant qu’il se matérialisât, et qui se fût si parfaitement inscrit dans le creux que mon inspiration lui ménageait. D’une autre langue, un mot s’élançait que, pour pouvoir procéder à la poursuite de mon propos, je laissais s’ajointer à ma phrase. Il s’y coulait merveilleusement, au point de me donner l’illusion qu’il n’en existait pas d’autre en aucune langue qui trahît si parfaitement mon désir. Mais dans ma bouche pourtant, il ne pouvait s’empêcher de saillir, bancal comme un italique mental. »
(Extrait, p. 121)
DION, Robert, « Enclaves urbaines : Le Jardin clos de Régine Detambel et Ciels liquides d’Anne Garréta », dans Christina HORVATH et Helle WAAHLBERG (dir.), Pour une cartographie du roman urbain du XIXe au XXIe siècles, Toronto, Éditions Paratexte, 2007, p. 205-214. +++ Chapitre de collectif
PROVOST, Valérie, « Norme et liminalité dans Sphinx et Ciels liquides d’Anne Garréta », mémoire de maîtrise en études littéraires, Université du Québec à Montréal, 2011, 99 f. +++ Thèse de doctorat / mémoire de maîtrise
### Résumé
Ce mémoire analyse les stratégies d’écriture qu’a employées Anne Garréta dans les romans Sphinx et Ciels liquides, ainsi que leur effet sur les personnages. Plus précisément, il montre comment l’auteure s’est servie des normes littéraires et narratives pour créer des personnages dont l’identité est liminale, c’est-à-dire en mouvement. S’inscrivant dans une perspective féministe, l’analyse interroge à la fois les normes identitaires sexuées et celles qui servent à définir le concept même d’identité. En définitive, elle démontre comment une déconstruction du sujet permet d’élargir le champ des possibles identitaires. Le premier chapitre est consacré à l’élaboration des concepts et notions qui seront ensuite utiles à l’analyse. D’abord, la notion de norme au sens large est expliquée, suivant les réflexions de Judith Butler sur le genre. Elle sert ensuite de base pour aborder plus précisément la norme linguistique et la norme narrative. Ensuite, le concept anthropologique de liminalité est circonscrit et, une fois dégagé de son contexte d’origine, mis en relation avec deux figures liminales : le transgenre et le spectre. Le second chapitre s’intéresse au jeu de Garréta avec la norme linguistique, particulièrement en ce qui concerne l’évitement de la marque de genre grammaticale et l’utilisation des stéréotypes sexués. Il analyse également la place du masculin à valeur neutre et/ou universelle dans les romans de l’auteure. Tout au long du chapitre, l’analyse démontre comment l’écriture réussit à créer des personnages transgenres, lesquels permettent à la fois de révéler et de dépasser la norme du genre. Le troisième chapitre est dédié à l’étude de la structure narrative des deux romans, plus spécifiquement des dimensions du temps et de l’espace. Il montre comment, d’une part, le déplacement et la multiplication des repères temporels et, d’autre part, le choix de lieux liminaux sert à créer des personnages dont l’identité reste indéfinie. Ces derniers permettent en outre de questionner le concept d’identité pour le penser de manière inclusive.
Ciels liquides (oeuvre) | |
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Titre | Ciels liquides |
Auteur | Anne F. Garréta |
Parution | 1990 |
Tri | Ciels liquides |
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