La nuit sexuelle

Pascal Quignard - Paris, Flammarion, 2007, 279 p.

« Quand on sonde le fond de son coeur dans le silence de la nuit on a honte de l’indigence des images que nous nous sommes formées sur la joie. Je n’étais pas là la nuit où j’ai été conçu. Une image manque dans l’âme. On appelle cette image qui manque “l’origine”. Nous cherchons cette image inexistante derrière tout ce qu’on voit. Je cherche à faire un pas de plus vers la source de l’effroi que les hommes ressentent quand ils songent à ce qu’ils furent avant que leur corps projette une ombre dans ce monde. Si derrière la fascination, il y a l’image qui manque, derrière l’image qui manque, il y a encore quelque chose : la nuit. Il y a trois nuits. Avant la naissance ce fut la nuit. C’est la nuit utérine. Une fois nés, au terme de chaque jour, c’est la nuit terrestre. Nous tombons de sommeil au sein d’elle. Comme le trou de la fascination absorbe, l’obscurité astrale engloutit et nous rêvons en elle. Et si c’est par la nuit qui est en nous, interne, que nous nous parlons, c’est dans la nuit externe, quotidienne, qui semble à nos yeux venir du ciel, que nous nous touchons. Enfin, après la mort, l’âme se décompose dans une troisième sorte de nuit. La nuit qui régnait à l’intérieur du corps se décompose à son tour dans un effacement que nous ne pouvons anticiper. Cette nuit n’a plus aucun sens pour s’aborder. C’est la nuit infernale. Ainsi y a-t-il une nuit totalement sensorielle qui précède l’opposition astrale du jour et de la nuit. Nous procédons de cette poche d’ombre. L’humanité transporta cette poche d’ombre avec elle, où elle se reproduisit, où elle rêva, où elle peignit. Elle pénétra irrésistiblement dans les grottes obscures où elle tourna son visage vers des écrans blancs de calcite sur lesquels des images involontaires surgissaient et se mouvaient par la projection de la flamme d’un flambeau. Des millénaires passent. Elles continuent de défiler dans des salles étranges, édifiées dans le sous-sol des villes, où la ténèbre n’est plus divine mais produite artificiellement. Pascal Quignard » (Présentation de l’éditeur)

Documentation critique

LAPEYRE-DESMAISON, Chantal, « L’Ange et la bête: notes sur La Nuit sexuelle de Pascal Quignard », L’esprit créateur, dossier « Pascal Quignard », sous la direction de Jean-Louis PAUTROT, vol. 52, no 1 (printemps 2012), p. 107-119. +++ Article de revue

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FRANTZ, Anaïs, « Les apocalypses de La Nuit sexuelle », dans Mireille CALLE-GRUBER, Gilles DECLERCQ et Stella SPRIET (dir.), Pascal Quignard ou la littérature démembrée par les muses, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2011, p. 57-64. +++ Chapitre de collectif

GAGNEBIN, Murielle, « L’inacceptable, et après… », dans Mireille CALLE-GRUBER, Gilles DECLERCQ et Stella SPRIET (dir.), Pascal Quignard ou la littérature démembrée par les muses, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2011, p. 249-255. +++ Chapitre de collectif

GORRILLOT, Bénédicte, « L’Éros antique de Pascal Quignard », Littératures, dossier « Pascal Quignard et l’amour », sous la direction de Christine RODRIGUEZ et Sylvie VIGNES, no 69 (2013), p. 67-82. +++ Article de revue

### « Dans Le Petit Cupidon, Le Sexe et l’effroi ou La Nuit sexuelle, consacrés à l’amour-désir, Pascal Quignard mobilise plusieurs figures archaïques d’Éros, issues du fonds mythologique gréco-latin : l’Éros titanesque de la pulsion séminale et parthénogénique, l’Éros titanesque de la pulsion coïtale fusionnante, l’Éros non moins originaire de la division (physique et psychologique). Ces trois figures se superposent souvent, modelant un Éros quignardien complexe et émancipé de ses stricts modèles d’inspiration antiques. » (Résumé joint à l’article)

La nuit sexuelle (oeuvre)
TitreLa nuit sexuelle
AuteurPascal Quignard
Parution2007
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