Discours critique sur les œuvres de littérature contemporaine
Serrée comme les poings d’un boxeur, l’écriture de Régis Jauffret cogne inflexiblement les mots – et celles et ceux qui les lisent. Décrits parfois en termes de vecteurs d’une « poétique du Malaise », ses textes subvertissent les dernières attaches des contemporains gagnés par la torpeur sceptique. En déchirant le rideau du théâtre des apparences, ils projettent violemment une lumière crue sur le désir et la guerre permanente, tantôt souterraine et tue, tantôt ouverte et patente, de tous contre tous. Couples, immeubles, familles, villes ou des pays, vieux comme enfants, médecins contre patients, morts contre vivants : personne ne reste hors de l’empan de cet examen acéré. Appartenant peut-être à la veine de cette « Littérature du Mal » chère à Bataille, usant à la perfection de la perversion, de la folie, du sexe et du sado-masochisme, mettant en scène la Mort à l’œuvre, les diégèses sont habitées par des créatures qui, par fatigue d’être soi, nonchalance ou mauvaise foi, se sont aventurées à confondre fantasme et réalité, indicatif et conditionnel, pour se laisser finalement aspirer dans le trou noir du monde des mots. Mots de la diversion des maux, mots qui trompent mais soulagent, qui abîment le lecteur dans les profondeurs du cynisme, le privant d’oxygène, dont la précision de scalpel et la beauté froide fascine, mais dont le burlesque, le grotesque. Apparemment de facture classique, l’écriture selon Jauffret ne fait, par ailleurs, pas l’économie d’un travail sur la forme. Qu’elle procède par dilatation, saturation, flux de pensée (univers, univers), soliloques, prosopopée (Lacrimosa), qu’elle frotte, ébrèche et scande en mille morceaux et formes brèves la narration, pourvoyant en autant de mondes (Microfictions) fragmentaires, elle affirme peut-être l’écriture comme seul élan vital capable de dépasser ou déplacer ces terminus tragiques que sont la mort et le mal.
Régis Jauffret est un écrivain français né en 1955 à Marseille. Issu d’une famille bourgeoise, il s’intéresse tôt à la littérature et à la photographie. D’abord refusé par plusieurs éditeurs, son premier roman, Seule au milieu d’elle (1985), paraît finalement chez Denoël. Jauffret devra attendre jusqu’en 1998 avant d’être reconnu par la critique avec Histoire d’amour, publié aux éditions Verticales. Depuis 2010, certains romans de Régis Jauffret s’inspirent de faits divers réels, évoquant l’affaire Édouard Stern dans Sévère, l’affaire Fritzl dans Claustria et l’affaire DSK dans La ballade de Rickers Island, ce qui projette l’auteur au coeur de la controverse, ce dernier ayant même reçu une plainte de la famille Stern ainsi qu’une attaque en diffamation de la part de Dominique Strauss-Kahn.
Historique des prix reçus :
Dossier élaboré par Christophe Reig et Audrey Thériault
Crédit photo : Hermance Triay
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NomComplet | Régis Jauffret |
Nom | Jauffret |
Prénom | Régis |
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