Discours critique sur les œuvres de littérature contemporaine
François Bon, Daewoo, Paris, Fayard, 2004, 294 p.
« La Lorraine. Dans le paysage de fer et d’acier ravagé par la crise de la sidérurgie, l’implantation à coups de subventions publiques de trois usines du groupe coréen Daewoo, fours à micro-ondes, téléviseurs. Entre septembre 2002 et janvier 2003, fermeture brutale des trois usines, dont une sera incendiée. Pourtant, la première fois que j’entre à Fameck dans l’usine vide, vendue aux enchères, aucune trace de cette violence sociale qui a jeté sur le pavé 1200 personnes, des femmes surtout. Au cours de mes visites, j’en rencontrai bien sûr. Des voix toutes chargées d’émotion, la violence du travail à la chaîne, et la violence ensuite des luttes. Comment affronter maintenant le quotidien vide, et ce qu’il en est pour les enfants, pour le temps, pour sa propre idée de la vie ? Ces récits entendus, les transcrire ne suffit pas : il faut raconter, reconstruire, la cellule de reclassement, les appartements où vous êtes reçu et le supermarché. Ce qui est proposé comme nouvelles figures du travail ? Centres d’appels, marché du chien. Il faut aussi entrer dans les silences. On vous parle d’une qui n’est plus. Ce n’est pas un livre prémédité : il s’agissait au départ de jouer, ici même, une pièce de théâtre. Et puis, à cause des visages, pour la densité des mots en partage, je décide d’écrire. Si les ouvrières n’ont plus leur place nulle part, que le roman soit mémoire. »
DILORIO, Sam, « Chaîne et Chaîne : Representation as Corrosion in François Bon’s Daewoo », SubStance, vol. 35, n° 3 (2006), p. 5-22. +++ Article de revue
###« Despite early efforts to fold it into various conceptions of a Nouveau “Nouveau Roman”, François Bon’s work has come to occupy a distinct territory within contemporary French literature. In retrospect, even the first novels he published at Les Editions de Minuit seem difficult to assimilate with thos of his colleagues. During the 1980s, Minuit writers began attracting attention for their investigations into the nature of storytelling (Jean Echenoz’s Cherokee), the passing of time (Jean-Philippe Toussaint’s La salle de bain) and the mechanics of narrative development (Marie Redonnet’s Splendid Hôtel). While Bon explored these issues in books such as Sortie d’usine and Décor ciment, he complicated the recursive investigations of works like Cherokee with an increasingly deep investment in a second concern : referentiality. »
(Extrait, p. 5)
GODARD, Roger, « Chapitre : François Bon. Daewoo », dans Itinéraire du roman contemporain, Paris, Armand Colin, 2006, p. 231-254. +++ Monographie
###« Au cours d’un entretien, François Bon a pu dire : “J’ai […] écrit le mot “roman” sur la couverture […]. Mais c’est plutôt de la provocation.” Quoi qu’il en soit, en référence aux romans sociaux de Balzac, il admet avoir oeuvré dans ce sens. La lecture de l’article qui lui est consacré dans le magazine Lire éclaire assez bien la conception que l’auteur a sur l’art d’écrire. Daewoo, Un témoignage ? Une enquête ? L’expression d’un engagement ? Quelle serait alors la part de fiction ? “ François Bon a construit un roman enquête, un roman réalité”. » ###
ENGÉLIBERT, Jean-Paul, « Ressources inhumaines. Le nouvel esprit du travail dans quatre romans français contemporains (François Bon, François Emmanuel, Aurélie Filipetti, Lydie Salvayre) », Trans, n° 4 (juillet 2007), [en ligne]. +++ Article de revue
### « Quatre romans français, Daewoo de François Bon, La Question humaine de François Emmanuel, Les Derniers Jours de la classe ouvrière d’Aurélie Filippetti et La Médaille de Lydie Salvayre, tous parus dans les dernières années du XXe siècle ou les toutes premières du XXIe, présentent un intérêt commun pour le travail et les transformations contemporaines du capitalisme : désindustrialisation, disparition de la classe ouvrière, importance stratégique des « ressources humaines », idéologie du consensus. Ces quatre textes témoignent des conflits d’une époque souvent présentée comme celle de la fin des conflits. En ce sens, ce sont des romans politiques, au sens où Jacques Rancière définit la « politique de la littérature » qu’il appelle aussi métapolitique : non l’engagement, mais l’art de suspendre ou critiquer les évidences de l’ordre et l’ordinaire de la domination. L’étude examine la manière dont ces romans font oeuvre politique en manifestant la différence des langues (langue des ouvriers vs langue patronale des « ressources humaines »), en défaisant les enchaînements attendus des volontés et des actions, en reconfigurant le partage du sensible et du dicible, soustrayant ainsi les sujets à ce qui les détermine pour ouvrir le champ des possibles. » (résumé)
CHAUVIN, André, « Voix ouvrières dans Mémoire de l’enclave (Jean-Paul Goux) et Daewoo (François Bon) », dans Corinne GRENOUILLET et Éléonore REVERZY (dir.), Les voix du peuple dans la littérature des XIXe et XXe siècles, Strasbourg, Presses Universitaire de Strasbourg, 2006, p. 361-377. +++ Chapitre de collectif
VRAY, Jean-Bernard, « Daewoo: le roman et le rêve initial de théâtre », dans Matteo MAJORANO (dir.), La caméra des mots, Bari, Graphis, 2007. +++ Chapitre de collectif
VIART, Dominique, « Théâtres de la fiction sociale. Autour de Daewoo de François Bon », dans Gianfranco RUBINO (dir.), Voix du contemporain. Histoire, mémoire et réel dans le roman français d’aujourd’hui, Rome, Bulzoni (Studi e testi / Dipartimento di francesistica, Università di Roma La Sapienza, 5), 2006, p. 141-162. +++ Chapitre de collectif
PELLETIER, Vicky, « Mémoire de la classe ouvrière et utopie de la littérature. Daewoo de François Bon », dans Jean-François HAMEL et Virginie HARVEY (dir.), Le temps contemporain : maintenant, la littérature, Montréal, Figura : Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire (Figura n° 21), 2009, p. 91-105. +++ Chapitre de collectif
KORTHALS ALTES, Liesbeth, « L’engagement littéraire contemporain. À propos de Daewoo de François Bon et Presque un frère de Tassadit Imache », dans Barbara HAVERCROFT, Pascal MICHELUCCI et Pascal RIENDEAU (dir.), Le roman français de l’extrême contemporain. Écritures, engagements, énonciations, Québec, Nota bene (Contemporanéités, 3), 2010, p. 67-87. +++ Chapitre de collectif
SINDACO, Sarah, et Benoît DENIS, « Bourdieu est-il Bon ? L’entrevue en science sociale et en littérature », Revue des Sciences Humaines, n° 299 (mars 2010), [n.p.]. +++ Article de revue
###« Les propos que tient Nathalie Heinich sur les références de certains écrivains aux travaux de Pierre Bourdieu trouvent un intéressant contrepoint dans l’analyse de Benoît Denis et Sarah Sindaco des pratiques de l’entrevue dans Daewoo de François Bon et dans La Misère du monde du célèbre sociologue. Si le premier se réclame ouvertement de l’héritage du second et si leurs entreprises respectives, qui visent à “donner à voir les différentes formes de la misère sociale en faisant entendre la parole de ceux qui les éprouvent”, relèvent de principes similaires, celles-ci “n’aboutissent pas à des résultats comparables” – l’insécurité de Pierre Bourdieu vis-à-vis de la réception de ses entretiens suggérant même que la littérature disposerait d’un pouvoir qui fait défaut à la sociologie. » (extrait de l’avant-propos, reproduit sur le site de Fabula)
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BONNET, Gilles, « François Bon : porter les mots dans la lumière publique », dans Isabelle DURAND-LE GUERN & Iona GALLERON (dir.), Roman et politique. Que peut la littérature ?, Presses Universitaires de Rennes (Interférences), 2011, p. 133-144. +++ Chapitre de collectif
LETENDRE, Daniel, « La révolte du personnage. Narration et résistance chez Chloé Delaume et François Bon », dans temps zéro, nº 9 (2015) [en ligne]. +++ Article de revue
### Résumé
De héros à cobaye, de simple point de vue à révélateur de l’état social d’une époque donnée, le personnage romanesque a été défini, jusqu’à présent, par ses actions dans et sur le monde. Plusieurs observateurs du roman contemporain constatent pourtant, qui l’effacement du personnage romanesque, qui sa déconnexion du monde dont il fait, semble-t-il, de moins en moins partie. Cet article vise à démontrer, par l’étude d’un roman de Chloé Delaume et d’un autre de François Bon, que, loin d’avoir cessé d’agir, le personnage romanesque a seulement déplacé le lieu de son action. D’actant, il est devenu « parlant », actualisant ainsi une « puissance d’agir » visant à contrer une violence verbale et symbolique qui l’a défini comme sujet.
Abstract
Hero or guinea pig, simple point of view or indicator of a social state at a given time, the fictional character has been defined thus far by its actions in and upon the world. Many observers of the contemporary French novel, however, find that the fictional character is, in some way, disappearing from the novel, or that it is disconnected from the world in which it takes a lesser part. This article seeks to demonstrate, through the study of a novel by Chloé Delaume and another by François Bon, that far from having ceased to act, the fictional character has only moved the location of its action. Once an actor, it became a “talker”, achieving its “agency” to counter a verbal and symbolic violence that has defined it as a subject.
Letendre, 2015, HTML ###
GILBERT, Geoff, « Amortissement : François Bon’s Daewoo », dans Textual Practice, vol. 25, n° 2 (avril 2011), p. 315-328. +++ Article de revue
### Abstract
Francois Bon’s 2004 novel is a work of documentary realism, offering anaccount of the disasters of unemployment in post-industrial France andtheir relations to movements of global capital. It is largely constructed oftranscribed interviews with women who used to work for Daewoo, anddescriptions of visits to the empty factory sites. But as realism, it is not sec-ondary to the real world as construed by generalizing knowledge. Writingis revealed here as affective – as marking and mourning a painful absencein the world – and as performative, as sustaining the reality of the world asa set of human relations. As such, it is in competition with the languages ofgovernment, economic science, and management. That competition isover the constitution of the total set of conditions which would definehow human and linguistic actions work in the world.
ALTES, Liesbeth Korthals, « Traces: Writing the Visual in Daewoo by François Bon », dans Yale French Studies, n° 114 (2008), p. 80-94. +++ Article de revue
### Altes, 2008, PDF ###
LETENDRE, Daniel, « À la cheville des temps. La construction du présent dans la littérature narrative française au tournant du XXIe siècle », thèse de doctorat, Faculté des arts et des sciences, Université de Montréal, 2013, 368 f. +++ Thèse de doctorat / mémoire de maîtrise
### Résumé
Cette thèse de doctorat met en lumière les stratégies narratives déployées dans le récit français actuel pour représenter et construire son présent. L’hypothèse principale que cette recherche vérifie est la suivante : la littérature narrative d’aujourd’hui, par le recours à une énonciation entremêlant discours et narration ainsi que par une utilisation critique et pragmatique du passé, réplique au « présentisme » observé par François Hartog, cette perspective sur les temps dont le point d’observation et le point observé sont le présent. Les écrivains contemporains mettent en place un régime de temporalités où passé et avenir sont coordonnés au présent pour
pacifier le rapport entre les trois catégories temporelles et faire apparaître un présent qui, sinon, demeure narrativement insaisissable ou soumis à l’autorité d’un passé ou d’un avenir qui dicte ses actions.
En distinguant leurs textes du genre romanesque et du mode narratif qui le compose, Pierre Bergounioux, François Bon, Olivier Cadiot, Chloé Delaume, Annie Ernaux, Jean Echenoz et Olivier Rolin, entre autres, s’inscrivent dans la tradition énonciative du récit, ici entendu comme genre littéraire où l’énonciation et le texte en formation sont à eux-mêmes leur propre intrigue. Le sujet d’énonciation du récit contemporain cherche à élucider son rapport au temps en ayant recours à des scènes énonciatives qui ont à voir avec l’enquête et l’interlocution, de manière à ce que d’une anamnèse personnelle et intellectuelle, de même que de la confrontation d’une mémoire
avec son récit jaillissent les caractéristiques d’une expérience du présent. Or, une des caractéristiques du présent expérimenté par le sujet contemporain semble être une résistance à la narration et au récit, rendant alors difficile sa saisie littéraire. Cette opposition au récit est investie par des écrivains qui ont recours, pour donner à voir l’immédiateté du présent, à la note et au journal, de même qu’à des genres littéraires qui mettent en échec la narration, notamment la poésie. En dépit de leurs efforts énonciatifs pour extraire le présent de l’opération qui le transforme en passé, ces écrivains font tout de même l’expérience répétée de la disparition immédiate du présent et de leur incapacité à énoncer littérairement un sentiment du présent. Le seul moyen d’en donner un aperçu reste alors peut-être de chercher à construire le présent à partir du constat répété de l’impossibilité d’un tel accomplissement.
Abstract
This doctoral thesis highlights present-day French authors’ narrative strategies used to illustrate and conceive the present. Our central hypothesis is that through an act of utterance intermeshing discourse and narration, as well as the critical and pragmatic use of references to the past, today’s narrative literature offers a counterpoint to the “presentism” described by François Hartog (i.e. a retrospective look at eras in which the present is both the vantage point and the point under observation). By so doing, contemporary authors offer a system of historicities where the past and the future are linked to the present in order to reconcile the link between the three
temporal categories and reveal a present which, otherwise, would remain narratively elusive or subrogated to the authority of a past or a future that dictates its behaviour.
By distancing their works from the fictional genre and from the narrative form it embodies, Pierre Bergounioux, François Bon, Olivier Cadiot, Annie Ernaux, Chloé Delaume, Jean Echenoz and Olivier Rolin, amongst others, are part of the enunciative tradition of the narrative, considered here as a literary genre in which the enunciation and the text in gestation are, in and of themselves, their own intrigue. In the contemporary narrative, the aim of the enunciation subject is to clarify its relationship to time by using enunciative scenes having to do with this quest and the conversation so that from a personal and intellectual anamnesis, as well as from the clash of a memory with its recounting, emerge the characteristics integral to the present experience. And yet, one of the characteristics of the present that the contemporary subject experiences seems to be a resistance to narration and to storytelling, which makes it almost impervious to literary analysis. Authors take up this opposition to storytelling by using, in an effort to bring the immediacy of the present to the foreground, the note, the journal entry, and literary genres that thwart narration, such as poetry. In spite of their enunciative efforts to distil the present from the operation that transforms it into the past, these authors are nevertheless faced, time and again, with having to live the immediate dissipation of the present and their inability to capture in a literary form its essence. Perhaps the only way to offer a glimpse of this is to try to create the present by repeatedly showing the impossibility of such an achievement.
Le corpus étudié de François Bon comporte également Paysage fer. ###
ALIX, Mary, « Daewoo, le choix du roman chez François Bon », dans Mémoire(s), identité(s), marginalité(s) dans le monde occidental contemporain, n° 9 (2013), [En ligne]. +++ Article de revue
### Alix, 2009, HTML ###
Daewoo (oeuvre) | |
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Titre | Daewoo |
Auteur | François Bon |
Parution | 2004 |
Tri | Daewoo |
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