Discours critique sur les œuvres de littérature contemporaine
Antoine Volodine, Alto solo, Paris, Éditions de Minuit, 1991, 128 p.
« Un jour de printemps, trois prisonniers sont libres : un lutteur de cirque, un voleur de chevaux, un oiseau. Les grilles s’ouvrent et ils sortent. Dans la capitale, ils déambulent, évitant les patrouilles de salubrité frondiste. Malgré la douceur de l’après-midi qui incite à l’optimisme, ils voient mal ce que l’avenir leur réserve. Ils s’asseyent au bord du trottoir.
Ce soir là, un écrivain se rend au concert. En compagnie d’une amie très chère il compte écouter un quatuor pour cordes. Devant le théâtre, les sections frondistes accrochent des banderoles. Elles ont organisé un meeting. Les frondistes n’apprécient pas les livres de l’écrivain et la musique de chambre leur déplaît. Dans le roman ils interviennent et ils le cassent. À l’intérieur de la musique ils pénètrent et la brisent.
C’est l’altiste qui est la meilleure interprète du quatuor. Avec art, elle mêle ses chants à ceux des autres instrumentistes, mais parfois, elle joue en solo. Elle joue seule au nom de tous. Ses cordes vibrent, et soudain le monde du frondisme ordinaire s’estompe, se transfigure. L’air devient bleu. Avant de partir pour l’exil, goûtons avec elle cet air. »
(Quatrième de couverture)
LANGEVIN, Francis, « Enjeux et tensions lectorales de la narration hétérodiégétique dans le roman contemporain », thèse de doctorat, département des lettres et humanités, Université du Québec à Rimouski (en association avec l’Université Charles-De-Gaulle, Lille 3), 2008, 337 f. +++ Thèse de doctorat / mémoire de maîtrise
###Résumé
« Le narrateur hétérodiégétique est celui qui ne raconte pas à la première personne, qui ne dit pas Je. Lorsque cette manière de raconter devient problématique ou spectaculaire, les théories littéraires ont du mal à décrire ce qui se joue quand à première vue personne ne raconte, personne n’organise le texte, personne n’organise la fiction, personne n’organise les idées.
A partir d’un corpus de romans parus depuis 1990 en France et au Québec, notre recherche s’est concentrée à repérer et décrire différentes incongruités de la narration hétérodiégétique.
Trois problèmes ont retenu notre attention : (1) L’ effacement des hiérarchies entre les récits. (2) Le brouillage des frontières entre le récit au Je et le récit à la troisième personne. (3) La surdétermination des rôles de narrateur hétérodiégétique.
Ces problématisations - effacement, brouillage et surcodage - déplacent l’intérêt du lecteur des aléas de l’anecdote, et le conduisent vers des “intrigues de la forme”. La lecture devient enquête, et ce qui paraissait incongru dans ces manières de raconter permet au contraire d’éclairer la fiction. La lecture construit, pour elle-même, sa propre petite fiction autour de ce qui fait mystère dans la narration : Qui parle, qui raconte, qui organise la fiction ?
L’effacement des cadres du récit oblige lecteur des romans L’Immaculée conception (G. Soucy, 1994), Hier (N. Brossard, 2001) et Nikolski (N. Dickner, 2005) construire pour lui-même une fiction intermédiaire qui rende signifiante une telle hétérogénéité–précisément parce que la structure narrative n’explicite pas les motivations de son organisation. Dès lors, l’intrigue devient une recherche d’un contexte où ces voix (re)trouveraient un cadre, une organisation, une hiérarchie.
Les romans Nous trois (J. Echenoz, 1992), En douceur (J.-M. Laclavetine, 1992) et Alto Solo (A. Volodine, 1991) brouillent les frontières entre les récits de première et de troisième personne. Pour résoudre ce brouillage, la lecture cherche à attribuer une origine à ces voix, et elle peut le faire en repérant dans la fiction des figures de narrateur dont le récit formerait une péripétie.
Les narrateurs de Sissy, c’est moi (P. Lapeyre, 1998), Tendre Julie (M. Rozenfarb, 1992) et Ravel (J. Echenoz, 2006) adoptent des postures très visibles : le travail du narrateur y est surdéterminé, ce qui crée une intrigue liée cette fois au repérage ludique des codes génériques et narratologiques qui apparaissent alors franchement détournés, voire parodiés.
En l’absence de l’Auteur - qui donne en sous-traitance une histoire à raconter - , le lecteur cherche une autre instance susceptible d’expliquer et de rendre pertinente cette apparente désincarnation. Pour appuyer sa compréhension de la forme, la lecture voudra résoudre les incongruités qui se présentent à elle, en ébauchant les contours d’un sujet fuyant : un sujet discursif (qui parle à qui et dans quel contexte ?), un sujet figural (qui, dans la fiction, pourrait bien raconter ?) et un sujet narratif (qui a bien pu organiser cette histoire ?). »
La version PDF de la thèse est disponible pour les membres de communautés universitaires qui ont un abonnement institutionnel auprès de UMI - Proquest.###
REUBER, Alexandra, « À la recherche de l’identité dans Alto Solo d’Antoine Volodine », Études françaises, vol. 46, n° 2 (2010), p. 137-152. +++ Article de revue
### Résumé
Le roman Alto Solo (1991) d’Antoine Volodine provoque deux questions fondamentales : « Qui suis-je ? » et « Qui es-tu ? » Ce sont des questions qui explorent la notion du soi et de l’autre en mettant en relation le lieu habité, c’est-à-dire géographique, et le lieu psychologique ainsi que celui de l’énonciation. Ce sont des questions dont les réponses font référence aux signes distinctifs entre des individus d’une société, qui, dans Alto Solo, produisent une sensation d’étrangeté, d’anonymat et d’exil de l’un par rapport à l’autre. Ces réponses prononcées ou implicites produisent une sensation d’étrangeté et d’aliénation sociale qui est renforcée par une aliénation de l’identité personnelle, celle-ci n’étant, dans la plupart des cas, qu’une identité collective.
Qui sont les citoyens de Chamrouche par rapport aux personnages aux noms bizarres ? Comment caractériser les personnages que nous rencontrons dans cette oeuvre de Volodine et auxquels l’auteur ne fait référence que dans un langage symbolique ? Il parle des voix, des oiseaux, des nègues et des hommes portant des imperméables, sans expliquer le choix de son vocabulaire. Cette absence d’information concrète confirme non seulement la notion d’étrangeté dans le texte de Volodine, mais elle provoque également la réitération des deux questions, « Qui suis-je ? » et « Qui es-tu ? ». Elle stimule notre recherche de l’identité dans Alto Solo.
Abstract
Antoine Volodine’s novel Alto Solo (1991) raises two fundamental questions : “Who am I ?” and “Who are you ?” These questions address the notion of the self and the other in relation to geographic and psychological place as well as that of speech. The answers to these questions are intrinsic to the distinct characteristics of individual, interacting members of society, which in Alto Solo stir feelings of otherness, anonymity, and even of exile among the fictional characters. The responses to these two questions, whether overt or implicit, yield an aura of social disjunction and alienation, and hence questions of the identity of the individual characters who seem largely remote, their identities more collective than personal.
Who then are the citizens of Chamrouch, in relation to those with bizarre names ? How can we define the characters in Volodine’s novel when they are depicted only as symbols, their verbal expression in the form of voices, birds, nègues, and men wearing raincoats without the author ever explaining his choice of words ? The absence of concrete information not only reinforces the pervasive aura of otherness in Volodine’s text, but also summons a reiteration of the two questions, “Who am I ?” and “Who are you ?” Thus we are impelled in our search for identity in Alto Solo.
HALPERN, Anne-Élisabeth, « Bris de notes, bruits de bottes », dans Marie-Madeleine GLADIEU et Alain TROUVÉ (dir.), Voir et entendre par le roman, Reims, Presses Universitaires de Reims, 2009, p. 181-207. +++ Chapitre de collectif
Alto solo (oeuvre) | |
---|---|
Titre | Alto solo |
Auteur | Antoine Volodine |
Parution | 1991 |
Tri | Alto solo |
Afficher | oui |